La pratique de l’acupuncture par les sages-femmes

La pratique de l’acupuncture par les sages-femmes

 

acupuncture  1.    Hier : la pratique de l’acupuncture avant la modification du code de déontologie des sages-femmes :

 a.     Un cadre légal réservant en France la pratique de l’acupuncture aux seuls médecins :

 

En France, depuis ses origines, l’acupuncture ne peut être exercée légalement que par un professionnel titulaire du diplôme de docteur en médecine.

Certains, en France, ont considéré pour autant que l’acupuncture n’était pas une médecine au sens occidental du terme et que, de ce fait, l’exercice illégal de la médecine ne les concernait pas.

Or, dans un arrêt rendu le 3 février 1987, la Cour de cassation énonça l’attendu suivant : « constitue l’exercice illégal de la médecine le fait par une personne non diplômée de prendre part habituellement à l’établissement d’un diagnostic ou au traitement des maladies, quels que soient les procédés employés ; il en est ainsi de la pratique de l’acupuncture ». Dès lors, l’acupuncteur non médecin, dont le statut n’est pas réglementé par le code de la santé publique, commet le délit d’exercice illégal de la médecine défini par l’article L.4161-1 du code de la santé publique.

Avant cette date, de nombreux procès pour exercice illégal de l’acupuncture ont été portés devant la Cour de cassation. La Cour a toujours fait preuve d’une extrême sévérité à l’égard des acupuncteurs non-médecins, en rejetant les pourvois formés contre les arrêts de condamnation ou en cassant les arrêts de relaxe.

 

b.     L’objectif de l’Ordre des sages-femmes : légaliser la pratique de l’acupuncture par les sages-femmes :

 

En France, depuis les années 1980, la pratique de l’acupuncture s’est développée en obstétrique et de nombreuses sages-femmes ont été formées à cette discipline.

En effet, les traitements par acupuncture sont nombreux au cours de la grossesse : nausées, fatigue, troubles de l’humeur, douleurs lombaires et utérus contractiles. L’acupuncture favorise également  les versions fœtales et ceci sans douleur.

De même, pendant le travail, cette méthode facilite la dilatation du col et la descente du pôle fœtal. Après l’accouchement, certaines conséquences douloureuses sont soulagées efficacement : œdème vulvaire, douleur de cicatrisation du périnée ou hémorroïdes.

Toutes ces indications ont fait l’objet de nombreuses publications internationales et d’essais certifiés randomisés prouvant ainsi leur efficacité.

 

L’objectif du Conseil national consistait donc à permettre aux sages-femmes, grâce à la pratique de l’acupuncture, d’assurer une prise en charge supplémentaire des symptômes fonctionnels de la grossesse et de proposer ainsi aux patientes une alternative aux traitements médicamenteux, parfois lourds et coûteux, et éventuellement pourvus d’effets secondaires.

Enfin, il est à noter que l’élargissement des compétences des sages-femmes à la pratique de l’acupuncture n’est pas une question récente.

Dès 1978, une étude expérimentale était menée dans le service de Gynécologie obstétrique au CHU de CAEN, portant sur l’action analgésique des techniques d’acupuncture et d’électrostimulation transcutanée. Devant des résultats encourageants, l’idée d’enseigner l’acupuncture aux sages-femmes s’imposait, ainsi qu’en concluait un rapport rédigé en 1981 destiné aux membres du conseil d’administration du Collège national de Gynécologie obstétrique.

Ce rapport concluait ainsi : « L’acte d’acupuncture est un acte médical, sa pratique peut être étendue à la sage-femme si l’aiguille est intégrée au sein du code de déontologie. Des démarches dans ce sens sont indispensables ». « La pratique de l’acupuncture par la sage-femme ne devra en aucun dépasser les limites de sa compétence ».

Ce même rapport signalait l’importance, avant toute chose, de créer et de structurer un enseignement propre aux sages-femmes pour la pratique de l’acupuncture, lequel serait sanctionné par une attestation d’études ou un titre de formation. Ainsi, seules les sages-femmes ayant passé avec succès le contrôle des connaissances consécutivement à une formation validée seraient habilitées à pratiquer l’acupuncture obstétricale.

 

2.    Aujourd’hui : la légalisation de la pratique de l’acupuncture par les sages-femmes 

a.     Un nouveau cadre réglementaire    

Les modifications apportées au code de déontologie des sages-femmes :

L’article 18 du code de déontologie des sages-femmes (article R.4127-318 du code de la santé publique), dans sa version modifiée par le décret n°2008-863 du 27 août 2008, a étendu le champ de compétence de la sage-femme à la pratique des actes d’acupuncture.

Cette pratique est néanmoins réservée aux seules sages-femmes titulaires d’un diplôme universitaire ou de la capacité en acupuncture afin de s’assurer que les actes d’acupuncture réalisés par les sages-femmes offrent toutes les garanties de sécurité et de qualité.

 La nécessité d’une formation diplômante :

Pour effectuer des actes d’acupuncture, l’article 18 du code de déontologie (article R.4127-318 du code de la santé publique) prévoit que la sage-femme doit posséder « un diplôme d’acupuncture délivré par une université de médecine et figurant sur une liste arrêtée par les ministres chargés de la santé et de l’enseignement supérieur, ou un titre de formation équivalent l’autorisant à pratiquer ces actes dans un Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen ».

Pris en application des dispositions précitées, un arrêté du 2 novembre 2009, publié au journal officiel du 10 novembre 2009, fixe la liste des diplômes permettant l’exercice des actes d’acupuncture par les sages-femmes.

Cet arrêté vient ainsi préciser que seules les sages-femmes titulaires d’un diplôme interuniversitaire d’acupuncture obstétricale sont aujourd’hui habilitées à pratiquer des actes d’acupuncture.

Toutefois, les sages-femmes qui ont suivi une formation en acupuncture ne donnant pas lieu à la délivrance d’un DIU ont la faculté de faire valider leurs acquis.

Ainsi, la faculté de médecine de Strasbourg, qui est l’une des universités contractantes du DIU d’acupuncture obstétricale, propose une opération de validation de leurs acquis à toutes les sages-femmes qui ont reçu une formation en acupuncture et mis leur savoir en pratique, afin de leur délivrer tout ou partie du DIU.

 

b.     Une pratique limitée au champ de compétence des sages-femmes :

La nouvelle réglementation permet aux sages-femmes de pratiquer des actes d’acupuncture dès lors qu’elles justifient d’un diplôme d’acupuncture délivré par une université de médecine et figurant sur une liste arrêtée par les ministres chargés de la santé et de l’enseignement supérieur, ou un titre de formation équivalent l’autorisant à pratiquer ces actes dans un Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen.

Cela dit, la pratique de l’acupuncture par les sages-femmes est limitée à leur seul champ de compétence. Il n’est pas question, en effet, d’autoriser celles-ci à pratiquer des soins en acupuncture à n’importe quel patient.

Lors de la publication du décret portant modification du code de déontologie, il n’était donc question pour les sages-femmes que de dispenser des actes d’acupuncture aux femmes dans le cadre du suivi de la grossesse, de l’accouchement et des soins post-natals.

Depuis la publication de la loi HPST du 21 juillet 2009, les sages-femmes se sont vues attribuer de nouvelles compétences en ce qui concerne le suivi gynécologique de prévention et la prescription de la contraception.

Dès lors, la pratique de l’acupuncture par les sages-femmes peut également s’inscrire dans le cadre du suivi gynécologique de prévention.

 

c.     La mention de la pratique de l’acupuncture par les sages-femmes :

Les sages-femmes autorisées à pratiquer les actes d’acupuncture ont la possibilité de mentionner leur DIU d’acupuncture sur leur plaque, leurs feuilles d’ordonnance ou dans un annuaire professionnel.

A cet effet, elles doivent obligatoirement procéder à la validation de leur diplôme par le Conseil national.

Les intéressées doivent donc communiquer au Conseil national de l’Ordre des sages-femmes la copie de leur diplôme d’acupuncture.

Après avoir examiné le dossier des requérantes, les services du Conseil national leur adresseront un accusé de réception qui indiquera la suite qui a été donnée à leur demande. Le conseil départemental de l’Ordre compétent sera également informé de cette autorisation, lequel pourra alors procéder, le cas échéant, au contrôle de ces mentions.

d.     La facturation des actes d’acupuncture par les sages-femmes libérales :

La nomenclature des actes professionnels (NGAP) ne prévoit pas de cotations spécifiques pour les consultations d’acupuncture.

Néanmoins, ces consultations peuvent rentrer dans le cadre d’actes professionnels déjà prévus par la nomenclature.

A ce titre, il est noter que la décision de l’UNCAM relative à la liste des actes et prestations pris en charge par l’assurance maladie du 5 février 2008 (Journal officiel du 22 avril 2008) énonce que « les séances de préparation à la naissance ont notamment pour but d’effectuer un travail corporel permettant d’aborder la naissance dans les meilleures conditions possibles ». De plus, cette décision affirme que le contenu de ces séances est adapté aux besoins et aux attentes de la femme et du couple.

Ainsi, il apparaît que la pratique de l’acupuncture par des sages-femmes titulaires d’un diplôme nécessaire à la réalisation de tels actes peut rentrer dans le cadre de la préparation à la naissance.

C’est pourquoi, les consultations d’acupuncture pourraient être cotées comme des séances de préparation à la naissance.

Il est à noter que, théoriquement, pour les médecins acupuncteurs, la séance d’acupuncture (qui constitue un acte technique – acte K) est prise en charge par l’Assurance maladie à hauteur de 12,03 euros. Or, la séance d’acupuncture est constituée d’une étape de diagnostic suivie d’une étape thérapeutique par la pose et la stimulation d’aiguilles. Or, il est impossible pour le médecin acupuncteur de demander le remboursement de ces deux étapes. Seul l’acte thérapeutique est pris en charge par l’assurance maladie et il lui est interdit de cumuler la facturation d’une consultation de médecine générale et d’une séance d’acupuncture.

 

3.    Demain : un nouveau cadre légal de la pratique de l’acupuncture par les sages-femmes ?

Dans le cadre de la révision du code de déontologie des sages-femmes, le Conseil national de l’Ordre propose de revoir les conditions dans lesquelles les sages-femmes sont aujourd’hui autorisées à pratiquer des actes d’acupuncture tel que cela a été prévue par la modification du code de déontologie insérée par le décret n°2008-863 du 27 août 2008.

En effet, conformément à l’article 18 du code de déontologie (article R.4127-318 du code de la santé publique) et à l’arrêté du 2 novembre 2009 fixant la liste des diplômes permettant l’exercice des actes d’acupuncture par les sages-femmes, seules les sages-femmes titulaires d’un diplôme interuniversitaire d’acupuncture obstétricale sont aujourd’hui habilitées à pratiquer des actes d’acupuncture.

Or, il est apparu que la plupart des sages-femmes amenées à pratiquer l’acupuncture ne sont pas titulaires de ce diplôme mais d’une formation dont le contenu permet la pratique de tels actes dans des conditions de sécurité tout à fait satisfaisantes

En outre, l’extension du champ de compétence des sages-femmes aux consultations de contraception et de suivi gynécologique de prévention permet désormais à celles-ci de pratiquer des actes d’acupuncture dans le domaine gynécologique et non plus seulement dans le domaine obstétrical.

C’est pourquoi, le Conseil national de l’Ordre propose de modifier cette disposition afin de ne pas conditionner la possibilité pour les sages-femmes de pratiquer de tels actes à un DIU d’acupuncture obstétricale mais plutôt à l’obligation pour la sage-femme d’avoir suivie une formation spécifique reconnue par le Conseil national de l’Ordre.

A ce jour, nous sommes toujours dans l’attente de la publication du décret portant modifications du code de déontologie et qui devrait, dans ce cadre, autoriser les sages-femmes à pratiquer des actes d’acupuncture dès lors qu’elles auront suivi une formation spécifique reconnue par le Conseil national de l’Ordre.

 

CNOSF

21 novembre 2011

 

 



[1] Cour de Cassation, Chambre criminelle, 1987-02-0, 86-92954, Publié au bulletin

[2] Rapport du Doc. Fouques Duparc destiné au Collège national de Gynécologie obstétrique


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